"APRES LA VAGUE " de SANDRINE COLLETTE présentée par F .Fortunet
Catégorie : LECTURE
Sandrine COLLETTE (1970 -) est une écrivaine française
Parcours académique riche : bac littéraire – master en philosophie – Doctorat en science politique (1999 thèse sur la naissance de la Française des jeux
Cela la conduit à être chargée de cours à l’Université de Nanterre en sociologie et aussi consultante à temps partiel en ressources humaines.
Depuis 2010, elle vit dans le Morvan où elle a restauré une maison familiale et d’autres (environ 10) de ses propres mains entourée de chevaux (20 au début et aujourd’hui 2 « pour les bisous » ;
a la suite d’un accident elle ne monte plus
Elle s’initie à l’écriture avec des courts textes tout d’abord puis son premier roman en 2013 « Des nœuds d’acier » publié chez Denoël dans la collection « Sueurs froides » (après Sébastien Japrisot) , ce qui va contribuer à ranger ses écrits dans le genre thriller et littérature policière ; elle remporte le Grand Prix de la littérature policière 2013
Production féconde :
2014 « Un vent de cendres « retour au conte « La Belle et la Bête »; « Six fourmis blanches », »Il reste la poussière » Prix Landernau 2016
« Les larmes noires sur la terre », 2018 « Juste après la vague », 2020 « Et toujours les forêts » (incendie dévastateur) , Prix RTL, Prix de la Closerie des Lilas, Prix du livre France Bleu, Prix des libraires.
2021 « Ces orages-là », 2022 « On était des loups » (parcours initiatique d’un homme et son enfant dont la femme a été dévorée par un ours ; Ce 11e roman dépasse les 100 000 exemplaires et récolte plusieurs prix , dont le prix Giono.
2024 : « Madeleine avant l’aube » fait partie des 4 finalistes du Goncourt et finalement obtient le Goncourt des lycéens , le prix Renaudot des lycéens et celui des détenus. Il s’agit d’une société malmenée par les intempéries, la faim et la dictature.
Constance des thèmes et des sujets : post apocalyptique – rapport entre les hommes et dans la famille ,avec la nature et les animaux (bête enfouie sous les eaux).
Dans un interview à France inter le 24/09/2024 elle reconnait qu’outre la nature (eaux, forêts, incendies, orages) un thème essentiel pour elle est la peur : des bruits, du dehors la nuit, de l’eau. Elle reconnait avoir une phobie héréditaire de l’eau .
2/ « Juste après la vague « 2018
• Inspiration – lecture de la description de l’effondrement d’un volcan il y a dizaines de milliers d’années Le point de départ du roman est justement cela, l’effondrement d’un volcan qui s’était déjà effondré et une vague d’une centaine de mètres qui avait déferlé noyant tout et ne laissant que de l’eau tout autour d’une colline p. 266 Louie « la nudité de l’océan, l’eau à perte de vue, un désert sans fond, un abime liquide »
• Avant le récit un prologue = une introduction pour installer une situation claire et explicative .
Que nous apprend-il ?
• Il n’y a pas que le raz-de-marée mais aussi « un infléchissement de leur climat » qualifié ensuite de dérèglement – Les vieux l’avaient pressenti, les gouvernements n’avaient rien dit ; seuls quelques « illuminés » sonnaient l’alarme
• 6 jours après la vague, l’eau ne s’est pas retirée et a même recommencé à monter « il fallait partir » - entreprendre 12 jours de voyage – cela viendrait par le père
• Malgré une nouvelle tempête les 2 ainés , Liam et Matteo (15 et 13 ans) étaient partis avec la boulée pour aller fouiller les maisons englouties et ils étaient emportés par la mer Pata va, pour les ramener, lancer une corde accrochée à un arbre sur la rive et réussit à remonter la corde avec les 2 enfants accrochés dans son dos. La mère, Madie, sur le rivage avec les autres enfants en âge de le faire les avait tiré hors de l’eau.
• Le départ étant inévitable, alors s’impose un choix « Qui vas-tu laisser ? » la question clôt le prologue Point de départ du raisonnement = la barque ne pouvant tous les contenir.
• Quelque soit le raisonnement on arrive à la même solution • les petites ont moins de 7 ans et ne peuvent se débrouiller seules : Emilie, Sidonie, Lotte et Marion ; il faut aussi que Madie, la mère soit avec elles pour s’en occuper.
• + le père a besoin des 2 ainés pour ramer : Liam et Mattéo.. • Reste les 3 autres ; les âges intermédiaires où « il y a eu un couac » , ce sont ceux qui pourraient se débrouiller seuls mais il se trouve qu’ils sont aussi « le boiteux, la borgne et le nain »
• même si le père avait raisonné autrement le résultat revenait à les éliminer –
• p. 190 »il les trouvait moins bien que les autres avec leurs corps abimés »
• douleur de la mère – regard de haine au père - - elle se répète p. 39 « plus d’amour, plus d’honneur. Nous sommes comme des bêtes »
• Après ce prologue, Le récit se développe selon 2 axes pour suivre les aventures des 2 groupes. :
Déroulement en 3 actes : sur l’ile – sur l’eau – sur l’ile avec au final la rencontre sur l’eau du canot de la mère et de la barque des enfants
A vrai dire, On retrouve chaque groupe ou équipage alternativement sur la terre et sur l’eau.
A partir du 19 août, 2 aventures parallèles . d’un côte ceux qui restent et de l’autre ceux qui partent
Le premier groupe, celui des enfants abandonnés sur l’ile sont entourés par l’eau qui n’en finit pas de monter jusqu’à avoir la certitude qu’ils périront noyés.
Tout se déroule comme une chronique de jours ordinaires avec les poules qui heureusement pondent et les nourrissent.
Ensuite, le 2 ème groupe celui des parents et de 6 enfants. Après un départ en catimini, un combat avec un monstre (qu’ils mangent) et la mort de 2 enfants, à force de ramer ils finissent par arriver sur les hautes terres où la vie ordinaire reprend son cours (une maison, un travail pour Pata, l’école pour les enfants, les premiers pas de Marion ) mais le désespoir pour Madie qui finit par décider d’aller chercher ceux qui sont restés sur l’ile.
• Le 3e épisode voit les enfants obligés de fuir l’ile sur laquelle était arrivé Ades, fuyant la justice que Louie va tuer. Après avoir tourné en rond sur l’océan et échapper à une attaque de pillards, ils font escale pour soigner Perrine qui a été griffée par les poules sur une ile où subsistent 2 maisons délabrées et 2 vieilles accueillantes. De là, l’embarcation va repartir avec les 2 vieilles emballées dans des tapis enfants les 26 puis 16 poules, le coq , les provisions et les 2 vieilles enroulées dans des tapis.
D’un côté (les parents) la trajectoire est directe, de l’autre on tourne en rond et on se perd.
Confrontés à des choix pour survivre jusqu’à tuer un premiers homme d’un côté et de l’autre une bête (qu’ils vont manger)
Des drames lorsque secoués par la tempête 2 enfants vont disparaitre de la barque, que débarque sur l’ile un homme violent sans foi ni loi Ades. , des joies simples comme l’odeur des galettes de Perrine ou les premiers pas du bébé Marion
• Des personnages :
• Celui immense de Madie déchirée par l’abandon des enfants qui finit par partir les chercher , elle reste prostrée car elle n’arrive pas à admettre de les avoir laissés sur l’île
• Pata : personnage effacé mais efficace, mais néanmoins toujours là et prêt à tout pour les sau
ver • Les enfants : 2 groupes : le premier sans personnage marquant Le second avec des caractères marqués : Louie : qui va avoir la force de tuer Adès malgré l’admiration qu’il éprouve pour sa force ( p. 256 « il abat sa rame sur l’homme »
Les pensées qui le traversent sur la barque après leur départ « les assommer, les noyer et se laisser couler jusqu’au fond » p. 304
– Perrine : vaillante petite bonne femme, mère de famille en herbe
Malgré l’environnement hostile Se glissent des moments de chaleur, des odeurs (le café, le pain grillé) , des flash de la vie d’avant (retour de l’école, Nôel, les départs en vacances quand Noë a mal au cœur) ), de la joie même quand la terre est en vue, « marcher sur la terre ferme après 12 jours ½ de cauchemar p.p. 194).
Mais aussi des drames : le manteau vide de Lotte, la disparition de Matteo, la chute de la grand-mère qui rentraine elle aussi la question du choix : partir et l’abandonner.
Que faut-il y lire ?
• Un plaidoyer pour la vie ordinaire « l’odeur du café, du pain grillé, les choses simples , » reprendre l’école »
- Et ne pas se laisser prendre au mirage d’ailleurs (symbole de la mappemonde cassée - p.264 « un bruit de verre ; à l’intérieur c’est vide »
• Une réflexion sur l’abandon initial avant le départ des parents et à l’inverse le refus de l’abandon d’Adèle qu’on finit par emmener quasi morte mais aussi sauvée « elle est solide » dit lucette p. 335 « Nous ne partirons pas sans vous »
- Un ode à la famille (la maternité) : quand la mère identifie ses enfants par les conditions de leur accouchement, avec la réinstallation et la reprise d’une vie normale sauf pour Madie qui reste amputée des 5 enfants perdus
• un conte mythique comme celui de l’arche de Noé pour se sauver du déluge par delà le combat pour la survie d’une famille de gens ordinaires (c’est ce qui l’intéresse) où chacun, quelque soit son âge va avoir sa place.
Pour conclure, Une écriture sublime qui permet de passer de l’horreur à la sérénité, de la peur (même angoisse) à la joie L’impression d’être hors du temps alors que le temps est compté ; S’agit-il d’ une éternité ou de 13 jours ?