Université inter-âges du Bugey
élargir l'horizon de ses connaissances...
Université inter-âges du Bugeyélargir l'horizon de ses connaissances...
Accueil L'association UIAB Agenda des événements Les ateliers Les conférences Pour aller + loin Echange Albums photos Contact

" Les étoiles s’éteignent à l’aube" par Richard Wagamèse


Date de publication : 03/05/2022
Catégorie : LECTURE

 La lecture du roman Les étoiles s’éteignent à l’aube nous emmène sur les terres que nous avons déjà parcourues à la lecture de  La vengeance des mères  de Jim Fergus, sur les terres des peuples autochtones d’Amérique du Nord.

 Autant le Jim Fergus est un roman épique dans une Amérique des grands espaces, avec une nature sauvage, souvent inhospitalière, et dont l’histoire se situe à la fin du XVIIIème

 Autant le récit de Richard Wagamèse est un roman intimiste entre un père et son fils au milieu du XXème siècle.

C’est même un roman initiatique car le garçon, puisque c’est ainsi qu’on le nomme au début de l’histoire, va enfin découvrir qui il est par le biais du récit de la vie de son père.

Tout ça dans l’environnement d’une nature magnifiée par le style de Wagamèse, nature sauvage, magnifique, respectée, nourricière, ressourçante...

 L’univers de ce roman est tellement bien décrit par l’auteur, opposant villes ouvrières sordides et vallées et rivières verdoyantes, rudesse des hommes et du travail, avec parfois une part d’humanité souvent enfouie sous l’alcool ou la difficulté à exprimer ses sentiments que l’on se doute que l’auteur a connu de près cette vie qu’il décrit si bien.



Biographie de Richard Wagamèse(1955-2017)

 Source : Site Web de l’encyclopédie canadienne

 Richard Wagamèse nait le 4 octobre 1955 dans le nord-est de l’Ontario.

 Il fait partie des Ojibwés, peuple autochtone du Canada et des Etats Unis, groupe culturel des Anishinaabe.

Ces peuples vivent de chasse, de pêche, de cueillette et du commerce des peaux.

Ils ont une vie spirituelle animiste ; pour eux, la nature est habitée de nombreux esprits, bons et mauvais.

 Richard est le fils de Marjorie Wagamèse et Stanley Raven qui mènent le style de vie traditionnel du peuple ojibwé : chasse, pêche et trappage.

 Il vit en communauté avec sa famille (au sens large !) jusqu’à ce que ses parents l’abandonnent avec ses trois frères et sœurs afin de se rendre en ville à 96 km pour aller boire et se saouler.

Gelés et affamés, les enfants réussissent à traverser une baie glacée pour trouver refuge dans la petite ville de chemin de fer de Minaki, où un policier provincial les remarque et les conduit à la Société d’aide à l’enfance.

 C’est l’époque où, les enfants sont enlevés dans le cadre de ce qu’on a appelé la « rafle des années soixante », un programme gouvernemental canadien qui retirait agressivement des enfants autochtones de leurs maisons afin de les placer en familles d’accueil.

 Manifestation des politiques paternalistes mises en œuvre au Canada pour assimiler les cultures et les communautés autochtones.

 Ces services ne sont pas obligés d’obtenir le consentement de la communauté pour « rafler » les nouveau-nés et les jeunes enfants des bras de leurs parents et les placer dans des foyers non autochtones.

 Les parents de Richard Wagamèse avaient également été enlevés très jeunes à leurs familles.

 Ils sont des survivants du système des pensionnats indiens du Canada, en vertu duquel on a retiré quelque 150 000 enfants autochtones de leurs communautés pour les placer de force dans des établissements d’enseignement administrés par l’Église.

Plus tard, Richard Wagamese écrira, dans un esprit de pardon et de compréhension, qu’il considère la négligence de ses parents comme le résultat des abus et traumatismes qu’ils ont subi dans le système des pensionnats indiens.

 Cet héritage douloureux deviendra un thème récurrent de son œuvre.


Impacts socioculturels

Les effets à long terme de la rafle des années soixante sur les adoptés devenus adultes sont considérables, allant de la perte de l’identité culturelle à une faible estime de soi en passant par des sentiments de honte, de solitude et de confusion.

 Les actes de naissance ne pouvant être consultés sans le consentement de l’enfant et des parents, de nombreux adoptés n’ont appris leur véritable origine que tard dans leur vie, ce qui a provoqué chez eux des sentiments de frustration et de détresse.

 Certains enfants ont été placés dans des foyers où ils ont bénéficié de l’amour et du soutien des personnes présentes, mais ces dernières n’ont pas pu offrir l’éducation et les expériences spécifiquement culturelles qui sont pourtant essentielles à la formation d’une identité autochtone saine.

Certains adoptés ont par ailleurs signalé avoir été victimes d’abus d’ordre sexuel, physique et autre.

Cette séparation physique et émotionnelle des enfants se ressent encore aujourd’hui sur les adoptés devenus adultes.

 On n’hésite plus actuellement de parler de « génocide culturel »

 Richard Wagamèse ne retrouvera les membres de sa famille que 25 ans plus tard !

Les excuses gouvernementales ont commencé entre 2008 et 2014 en même temps que celles concernant les pensionnats. (Source : Site Web de L’encyclopédie canadienne)

 Mais le scandale ne s’arrête pas là.

En 2021, découverte de 160 tombes sur l’ile de Penetakut et 215 sur le site d’un ancien pensionnat à Marieval en Colombie-Britannique. Source ; Libération du 2 juillet 2021 ;

Le magazine du Monde du 20 novembre 2021.



Les conséquences sur la petite enfance de Richard Wagamèse


 Richard Wagamese a beaucoup écrit sur les profondes difficultés qu’il a connues en grandissant dans des foyers d’accueil : Il y a eu des moments où la douleur et la confusion étaient si intenses que je me sentais comme si ma peau se détachait », écrit-il dans One Story, One Song.

" Il y avait des punitions physiques et une discipline martiale qui m’effrayait. Nous étions abandonnés et négligés. J’ai porté pendant des années un sentiment de mélancolie, des obsessions que je ne pouvais expliquer "

. Pendant des années, il est renvoyé d’une famille d’accueil à l’autre, un peu partout en Ontario, se retrouvant souvent seul enfant autochtone de son école, éternel étranger.

 La famille était un ensemble de visages qui changeait constamment, écrit-il dans l’essai Born to Roam dans One Story, One Song.

 •A l’âge de 16 ans, RW abandonne l’école et vit dans la rue pendant plusieurs années, aux prises avec l’alcoolisme, la toxicomanie et le trouble de stress post-traumatique hérité des abus et de l’aliénation qui ont marqué sa jeune existence.

 •Il séjourne en prison, vit un peu partout au Canada et occupe d’innombrables emplois.

« Parfois, j’ai été planteur d’arbres, creuseur de fossés, cueilleur des betteraves à sucre, aide fermier, travailleur de chemin de fer, laveur de vaisselle, nettoyeur de poissons dans une marina et laveur de camions », écrit-il dans un essai pour le Yukon News le 30 septembre 2009.

• C’est à cette époque qu’il commence son éducation littéraire.

À la fin de mon adolescence et au début de la vingtaine, je vivais pratiquement dans les bibliothèques, raconte-t-il dans son essai

« Beyond the Page », dans One Story, One Song.


En recevant le prix Matt Cohen du Writhers' Trust of Canada, en 2015, il réitère à quel point ses lectures ont formé l’écrivain qu’il est devenu :

"Tout ce que j’ai pris, ce sont les possibilités ouvertes qui existaient entre les couvertures d’un livre," dit-il.

Et j’ai lu, j’ai lu, et à force de lire, j’ai découvert ce qu’est une bonne phrase, comment construire un paragraphe solide, comment établir un bon arc narratif dans le déroulement d’un récit long et complexe."

 Il devient alors journaliste en 1979.

 Il a 24 ans. Une de ses chroniques sera primée en 1991 par le National Magazine Awards.

 C’est le Premier auteur autochtone à remporter un prix !

Il en remportera plusieurs autres en 1995, 2007 et 2011, 2012 et 2013 !!!


Il a aussi été scénariste et a participé à la rédaction de la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996, après une grave crise (crise d’Oka) entre indiens, police et armée canadienne sur un problème de territoire (agrandissement d’un golf sur une terre où se trouvait un cimetière Mohawks).


 Il a enseigné la création littéraire dans de nombreuses universités et a été maître de conférences en journalisme à l’Université de Victoria en 2011.


 Richard Mangamèse a écrit 14 romans, dont seuls trois ont été traduits en français.

 • Les étoiles s’éteignent à l’aube en 2016, paru en anglais en 2014 sous le titre Medecine walk

 • Jeu blanc en 2017, paru en anglais en 2012 sous le titre Indian Horse

• Starlight en 2018, roman posthume et inachevé, suite des étoiles s’éteignent à l’aube.

 Ces trois romans sont en livre de poche, collection 10/18


Richard Wagamèse décède à 61 ans, le 10 mars 2017 dans sa résidence de Kamloops, en Colombie-Britannique.


Le roman : «  Les étoiles s’éteignent à l’aube »


 L’histoire se déroule en Colombie Britannique, au sud-ouest du Canada, sur les hauts plateaux du Netchako, au cœur des Rocheuses.

 Un jeune garçon, indien, quitte la ferme isolée où il vit avec un vieil homme blanc depuis sa plus petite enfance.

 Il sait que ce n’est pas son père bien qu’il l’ait élevé comme un père.

 Son père biologique a demandé qu’il vienne le voir de façon urgente et le vieil homme lui a simplement dit qu’il était malade tout en l’alertant sur le fait que « ça va pas être rose ».

Il le met en garde sur le côté « menteur » de son père.

Mais le jeune est déterminé :

 C’est mon père. tout en étant inquiet car les rares moments de rencontre avec ce père se sont toujours mal passés. On pressent qu’il est en recherche d’identité.

 Il est amérindien, et il aimerait savoir et comprendre pourquoi son père indien l’a confié à ce vieil homme blanc qui l’élève comme un fils ?

 pourquoi il n’a jamais pu avoir la moindre information sur l’existence et la vie de sa mère ?

On se rend compte tout de suite que tous les personnages du roman sont des taiseux, dur à l’ouvrage mais s’exprimant peu sur leur existence et sur leurs états d’âme.

 Le garçon part donc sur sa jument pour la ville voisine.

 On assiste alors à une description magnifique de la nature, comme il y en aura beaucoup d’autres au fil du roman, et on a un aperçu de la personnalité du garçon : 16 ans, très mur pour son âge, travailleur, solitaire et heureux au sein de la nature qu’il connait et respecte.

Il arrive en ville, laisse sa jument dans la ferme d’un ami du vieil homme, la traverse rapidement pour arriver près de la rivière où il sait qu’il trouvera son père dans un meublé miteux.

On apprend alors que son père se nomme Eldon Starlight, et que le garçon, son fils, se nomme Franklin.

Le dialogue tarde à s’établir mais il faut tout de même en venir au fait : Eldon sent qu’il va mourir et il veut que son fils l’emmène « dans le pays d’en haut » pour l’enterrer comme un guerrier, face à l’est selon la tradition indienne.

 Et il a des choses à lui dire…

Tout au long du roman, puisque, après avoir hésité, il va respecter la dernière volonté de son père, on va avoir cette confrontation entre un homme malade, détruit par l’alcoolisme, père inexistant et son fils, ado de 16 ans, pas toujours tendre, même parfois un peu dur, mais capable de compassion pour celui qui va mourir.

 Le récit alterne entre l’instant présent de cette marche difficile vers le lieu de sépulture et des flash-back qui nous éclairent -sur la vie du garçon, très heureux avec le vieil homme qui lui a transmis le respect de la nature, des animaux qui l’habitent, les techniques de survie dans ce milieu sauvage, et qui se conduit comme un vrai père qui l’aime - et sur les visites de son père à la ferme ou chez son père en ville qui ont toujours mal tourné, sans jamais lui donner la clé du mystère autour de sa famille d’origine.

On apprendra la vie difficile de ce père biologique, travailleur infatigable mais taraudé par l’alcool, qui a toujours eu des difficultés à mettre des mots sur sa vie, et qui découvre la faculté de son fils à se débrouiller pour survivre en pleine nature comme ses ancêtres indiens.

 Cette longue marche et l’agonie d’Eldon permettront à Franklin de trouver réponse à ses questions existentielles.

 Les étoiles s’éteignent à l’aube est un roman magnifique sur la filiation, sur la transmission et sur le pardon.

 Il nous permet aussi de mieux comprendre la vie des amérindiens au milieu du siècle dernier. 

Richard Wagamèse

Newsletter...

Restez informé en vous inscrivant à la newsletter.
Pour vous inscrire, merci de nous envoyer un message à uiabugey@gmail.com
© 2017 - 2024  UIAB   -   Mentions légales