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Les Centuries de Nostradamus ou les "Fake News" de la Renaissance


les-centuries-de-nostradamus-ou-les-fake-news-de-la-renaissance Date de la conférence : 17/01/2019

Présentation de la conférence

"Les Prophéties" de Nostradamus, dont la première publication date de 1555, est sans doute le texte français qui aura été le plus manipulé.

Sans parler des interprétations farfelues du protégé de Catherine de Médicis, ce sont bien les quatrains ajoutés après la mort de l'auteur, truqués voir totalement inventés, qui trahissent la volonté, comme les "Fake News" actuels, de modifier l'opinion publique à des finalités politiques et idéologiques.

Il faut dire que le style littéraire original des quatrains et la biographie même de Nostradamus (largement construite sur des légendes et des fausses informations d'ailleurs!) se prêtent à merveille à ce genre de manipulation.

Ainsi, au gré des contrefaçons, Nostradamus s'est vu tour à tour asseoir les pouvoirs d'Henri IV et de Louis XIV, discréditer Mazarin, appuyer les idées de la Révolution Française jusqu'à, plus récemment, être au centre d'une lutte psychologique franco-allemande lors de l'Occupation.

Quelle était la véritable démarche de Nostradamus? En quoi son style d'écriture est propice à l’actualité contrefaite?

Comment les faussaires ont opéré et pourquoi?

Sylvain Bouchet, historien spécialiste de Nostradamus, se propose de revenir sur ces questions et de mettre en parallèle l'époque qui a vu naître l'imprimerie et le colportage avec celle, actuelle, d'Internet et des réseaux sociaux.



23 mars 2020



Depuis quelques jours circule sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Facebook, une prétendue prédiction de Nostradamus (1503-1566) annonçant l’actuelle épidémie de Coronavirus (Covid-19).

Voici le message, tel qu’il apparaît dans ce qui est une véritable Fake News:

« Nostradamus a écrit en 1555 ceci ! Il y aura une année jumelle (2020) d’où surgira une reine (Corona) qui viendra de l’Orient (Chine) et qui étendra une plaie (Virus) dans les ténèbres de la nuit, sur un pays aux 7 collines (Italie) et transformera en poussière (Mort) le crépuscule des hommes, pour détruire et ruiner le monde. Ce sera la fin de l’économie mondial (sic) tel que vous le connaissez. »


Première remarque. Ce passage n’apparaît pas dans les Prophéties, tout simplement parce que Nostradamus s’exprimait en quatrains et que, la forme employée ici, n'est pas celle du quatrain.


Ensuite, s’il l’on prend la peine de vérifier le texte original (certes publié en 1555 comme annoncé sur Facebook… mais il y aura d’autres éditions augmentées), aucun quatrain n’évoque, de près ou de loin, cette prétendue prédiction. Nous avons donc affaire ici à un véritable montage, ou création apocryphe du texte de Nostradamus, comme il est d’ailleurs fréquent de rencontrer au fil de l’Histoire, en particulier lors des périodes d’inquiétude et/ou de grands changements : Révolution Française, Guerres napoléoniennes, Guerres mondiales, et plus récemment le 11 septembre 2001…


Pour ce dernier évènement, voici le quatrain qui se mit à circuler sur le tout jeune réseau Internet :

In the year of the new century and nine months,

From the sky will come a great King of Terror…

The sky will burn at forty-five degrees.

Fire approaches the great new city.


Indice de la supercherie, le quatrain n’est pas numéroté. En étudiant le texte original, il est possible de retrouver une approximative correspondance (la traduction du français à l’anglais permet d’ailleurs beaucoup d’arrangements !) dans deux quatrains écrits par Nostradamus. Les voici :

X-72 (= quatrain numéro 72 de la Xe Centurie) [au passage, publié deux ans après la mort de Nostradamus]

L’an mil neuf cens nonante neuf sept mois,

Du ciel viendra vn grand Roy d’effrayeur:

Resusciter le grand Roy d’Angolmois,

Auant apres Mars regner par bon-heur.


VI-97 (= quatrain 97 de la VIe Centurie)

Cinq & quarante degrésciel bruslera,

Feu approcher de la grande cité neusve,

Instant grand flamme esparse sautera,

Quant on voudra des Normans faire preuve.


Comme vous le voyez, la lecture d’un quatrain de Nostradamus est d’une grande complexité (ancien français, métaphores et autres figures de style…). Par conséquent, et c’est ce qui fait le succès de Nostradamus : il est possible de lui faire dire tout et n’importe quoi (et surtout de faire dire exactement ce que l’on veut lui faire dire !). Toutefois, malgré cette immense souplesse d’interprétation, il arrive qu’un évènement ne trouve pas sa correspondance dans le texte d'origine. Dans ce cas, la ruse consiste à extraire des séquences de quatrains en les associant ensuite entre eux, « à la manière de », pour créer une coïncidence avec un fait d’actualité (c’est le cas avec l’exemple du 11 septembre 2001).


Pour la fausse prédiction qui nous intéresse ici, celle du Coronavirus, la manipulation est encore plus grande puisque seuls quelques mots isolés sont utilisés… or ces mots (Nuit, Orient, Plaie…) sont d’une grande banalité. Seule l’année jumelle aurait été une évocation « troublante » mais, nulle part dans les Prophéties, ce terme apparaît (et d’ailleurs pourquoi penser à 2020 ? 1818, 1919, 2222… fonctionneraient tout autant pour une année jumelle).


Voici, sous forme de tableau, les correspondances et récurrences entre la fausse prédiction et le texte original de Nostradamus :



Nous sommes donc loin, très loin, d’une prédiction du Coronavirus par Nostradamus. Et n’oublions pas que, sur près de 1000 quatrains que comportent les Prophéties, la probabilité d’une correspondance avec un ou deux mots est immense.


Cependant, si Nostradamus n’évoque pas le Coronavirus, une autre épidémie traverse littéralement ses Prophéties : la peste. Pas moins de 40 récurrences (avec les variantes : pestilence et pestiférer) envahissent ses quatrains. Et pour cause, la peste, en ce XVIe siècle, est le quotidien de Nostradamus. Sa première Université à Avignon ferme ses portes en raison d’une épidémie (1520), interrompant net les études de Nostradamus et de ses camarades. Il reprend, dix ans plus tard, le chemin de l’Université, à Montpellier cette fois, pour devenir médecin. À ce titre il est appelé à Marseille, Aix-en-Provence, Lyon et Salon (sa cité de résidence), sinon pour soigner, du moins pour tenter de contenir les épidémies successives. Il relate son expérience lors de la publication d’un Traité des Fardements (1555) et d’un Traité de la peste (connu à travers une édition de 1598). Il prône des règles d’hygiène élémentaires comme se laver les mains ou la destruction des effets personnels contaminés. Au passage, une épidémie emportera sa première épouse et leurs deux enfants.


Nostradamus, dans ses Prophéties, parle avant tout de son époque, pensant, peut-être tout simplement, que les malheurs d’hier sont les malheurs d’aujourd’hui… et seront les malheurs de demain. Guerre, épidémie, catastrophes naturelles…


Mais dans cette noirceur réelle du texte de Nostradamus (inutile donc de créer de faux quatrains dans le but de produire du sensationnel et de l’angoisse), il y a sans doute un message tout simple. Le message d’un médecin au contact de malades, le message d’un veuf, le message d’un père qui a perdu deux de ses enfants : Prendre conscience de la fragilité, de la beauté et du caractère unique de la vie.


Sylvain BOUCHET, le 19 mars 2020 Historien, Spécialiste de Nostradamus


9 JUIN 2021

Sylvain Bouchet  nous informe de la parution d'une suite de la conférence ci dessus :

 " Nostradamus. Docteur Astrophile "pièce de théâtre commentée par Sylvain Bouchet   Edition Chomarat






Résumé du conférencier

 


Le conférencier

sylvain-bouchet Sylvain BOUCHET

Sylvain Bouchet, historien spécialiste de l'Antiquité (Thèse sur les Jeux Olympiques, Lauréat du Prix Coubertin) s’intéresse depuis une dizaine d'années maintenant à la restitution de la culture greco-romaine par les Humanistes de la Renaissance.

Et, parmi cette effervescence culturelle du XVIe siècle, le personnage de Nostradamus, que Sylvain Bouchet analyse avec les outils d'un historien en se gardant de toute interprétation.

Sylvain Bouchet est un historien, spécialiste des Jeux Olympiques. Lauréat du Prix Coubertin pour sa thèse de doctorat consacrée aux cérémonies olympiques. Il assure des commissariats d’expositions, notamment à l’Exposition universelle de Shanghai, donne des conférences et anime des émissions de radio sur l’histoire du sport et de l’olympisme.

Il enseigne à l'ISCOM de Lyon (Institut Supérieur de la Communication et de la Publicité) le lobbying et la communication des grands évènements mondiaux: Jeux Olympiques et Expositions Universelles.

Passionné par le lien entre les civilisations antiques et modernes, il consacre les plus récents de ses travaux à l'Humanisme de la Renaissance. Intéressé par les arts du spectacle et la mise en scène, il enseigne depuis 2007 la dramaturgie à l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques de Théâtre (ENSATT).



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